Arnaud a passé 9 mois, comme assistant, dans la communauté de l’Arche à Grasse, les 9 premiers mois de la communauté. Ensuite, il a repris ses études de médecine; 3 ans plus tard, il a bien voulu évoquer les fruits de toute cette énergie dépensée, de toutes ces rencontres, de toutes les joies et galères vécues !
« Pour accepter la souffrance de l’autre, il faut savoir regarder les siennes avec bienveillance... »
C’est en Erasmus, à Berlin que l’idée d’une année de césure est née. Deux stages et une même constatation : pas d’échange avec le patient, manque de temps, mais surtout des médecins aigris : l’angoisse ! Puis un soir, raccompagnant une amie à la gare, elle me demande comment, moi, je vais faire pour rentrer à Paris ! La connexion s’est faite en une fraction de seconde : je ne rentrerai pas, ce n’est pas en médecine qu’on apprend à vivre ; je vais aller faire un tour à l’Arche !
J’ai pensé qu’aller à la rencontre de la personne avec un handicap mental était une bonne idée, une belle manière de toucher du doigt l’essentiel! Mettre l’autre au coeur d’une rencontre.
Pourquoi cette année de césure au beau milieu d’études si élitistes, en vue d’un métier où la rencontre de l’autre serait le quotidien ? C’est un choix de mettre l’autre au coeur d’une rencontre, au centre d’une prise en charge médicale.
Finalement hormis les services où la détresse est à son
comble, où la souffrance est bien palpable, c’est rare que l’autre soit au coeur de
notre travail avant la maladie. Je me suis fait une raison à cela : La maladie
nous fait moins peur que la souffrance. Pour accepter la souffrance de l’autre, il
faut savoir regarder les siennes avec bienveillance, accepter humblement sa
condition d’homme pécheur. C’est un cheminement que l’Arche m’a aidé à faire.
Un bug neuronal ?
Avant d’arriver, je m’attendais à un milieu bon chic bon
genre… ça ne m’aurait pas trop changé du « Paris 5ème », et ça aurait été bien
dommage ! Je ne vous dis pas le bug neuronal quand en tête de train, à
la gare de Grasse, je rencontre mon responsable de foyer ! première surprise, première chance
que de rencontrer un gars avec qui j’ai si peu en commun hormis le fait
d’être un humain soucieux de l’autre ! et il était tatoué ! Puis les encontres se
sont enchaînées, d’abord avec Gilles, ses parents, son frère Léo. De très belles
rencontres, un plaisir de les voir, une première occasion de découvrir la réalité humaine avec
ses souffrances, ses joies, ses dépassements : ils m’ont beaucoup apporté, je
les reverrais volontiers.
Puis Romain est arrivé au Radeau, Anne Sophie, Anne-Marie,
Frédéric, Bruno, Mickaël et Maïla. Je ne suis pas sûr de l’ordre, mais
l’ordre n’est pas propice pour se remémorer les évènements.
Rencontres
Les anecdotes les plus mémorables viennent du quotidien. Je n’oublierai jamais les « il est beau Arnaud ! » d’Anne Sophie ou « Arnaud, t’es mon frère hein ? ».
Rassure- toi Romain, j’en
suis maintenant convaincu ! Les massages de Gilles, énergiques, mais addictogènes ! J’ai fait un tour en
scooter avec Bruno aussi…
Il m’a appris à faire confiance !
Au foyer, je m’arrangeais toujours pour accompagner Frédéric à la douche le matin : Frédéric était apaisant et on pouvait beaucoup
échanger. Je sais qu’il entendait tout, simplement il le gardait pour lui.
Certainement est-il parti avec un sac à dos plein de
prières et cela fait sens : c’était sûrement urgent. C’est Frédéric qui m’a appris à prendre le temps : vous l’aviez vue cette
pousse qui grandissait sur le toit de la loge ? Je l’ai regardée 3 heures avec lui
ce toit, avant de comprendre ! quel sourire j’ai eu en retour quand je lui ai
demandé si c’était cela qu’il regardait ! Regarder la création de Dieu demande du
temps et Frédéric avait trouvé le bon tempo et le lieu parfait pour l’observer.
Etre un homme libre
De mon expérience à l’Arche il me reste une manière d’être
en général : un certain relativisme, un goût aiguisé pour l’essentiel et, du coup, un désir intense d’être un homme libre (avec l’exigence que ça implique), une espérance aussi.
Je travaille à ne pas trop laisser transparaître cette attitude, depuis que j’ai quitté l’Arche, puisqu’elle fait aussi violence à beaucoup de monde. C’est dire quels sont les bienfaits de l’Arche ! Mais il est nécessaire aussi, à un moment, d’ancrer sa vie dans la société actuelle et d’en témoigner. Le premier stage que j’ai fait en rentrant de l’Arche, ce fut en réanimation adulte… L’atterrissage a été turbulent, et en fait c’était bien ! Quand j’allais voir les patients dans le coma, je leur parlais… on me regardait, un peu intrigué… Il m’a fallu du temps pour comprendre que c’était le fait que je parlais au patient qui posait question!
Je rencontre, lors d’un stage en réanimation pédiatrique,
Simon, un jeune de 12 ans, tétraplégique, atteint d’un retard mental. Il pouvait
émettre des sons et sourire (et quel sourire !). Il souriait pour dire oui et
l’intensité de son sourire était proportionnel à son approbation… cette façon de communiquer
était évidente, pour moi, comme pour les aides-soignantes . Cette chance
que j’ai de savoir communiquer, je le dois aussi à l’Arche. Aujourd’hui, Simon
va bien !
Et maintenant, je vais où ?
En novembre, je commence un internat en pédiatrie à
Lyon, et c’est certainement en réanimation ou en cancérologie pédiatrique que
je me sens à ma place. Cette attirance, cette capacité à affronter ces réalités,
je les dois en grande partie à l’Arche.
Alors merci !